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Il est urgent de nommer les choses et s’accorder sur les définitions

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Ce n’est plus de la politique, c’est du bonneteau.

Comment deux ou trois définitions foireuses entretiennent un quasi-consensus là où évidemment il y a arnaque. On entend le mot crise, on se dit économies. Où ça ? Dans la dépense publique, bien sûr : la plus élevée d’Europe, ma brave dame[1] ! Il faut réformer tout ça, dégraisser, tailler dans le vif. Les pauvres patienteront un peu avec leurs éternelles exigences de subsides et d’hôpital gratuit ! Ils sont trop nombreux et coûtent un bras à la collectivité. Avant de partager le gâteau, laissez donc le temps aux riches de l’agrandir un peu. Pas vrai ? Logique ? On est tous d’accord ?

assistanatAu début, c’était vraiment une crise : on parlait plus précisément de choc (pétrolier). L’élévation brutale du prix du baril, l’économie de l’époque qui se construisait sur un pétrole bon marché, il a fallu s’adapter. Améliorer les moteurs de voitures, revoir les projets d’infrastructures en cours, miser sur d’autres axes de développement, etc. Il a fallu mettre à la poubelle (c’est-à-dire réformer) certains plans existants. Et puis bon, on a réformé.

Puis, comme l’abondance ne revenait pas, et puis avec l’apparition du chômage, on s’est mis à parler de crise. Le choc était derrière nous, mais la crise était là qui se prolongeait. On a peu à peu trouvé que les acquis sociaux devenaient trop lourds, que les droits des modestes (aux soins, à l’éducation, au chômage) étaient de plus en plus difficiles, voire impossibles à financer.  Plutôt que de chercher des solutions, la classe politique s’est dit qu’il était plus simple finalement de parler de « crise » et d’en accuser les victimes. C’est depuis qu’ils nous expliquent en boucle qu’on vit au-dessus de nos moyens, qu’on dépense trop pour les pauvres, qu’on cajole nos malades au-delà du raisonnable et surtout qu’on paye trop grassement nos chômeurs, avec un « pognon de dingue » qui serait mieux employé, faut-il comprendre, par les premiers de cordée. Entendez qu’il faut balancer tout ça par-dessus bord. Pardon : réformer.assistés

Avec le temps, les termes de crise et de réforme sont devenus la tarte à la crème du discours journalistico-politique. Dans les journaux on continue à appeler crise ce qui dure depuis quarante-cinq ans : ce n’est plus une crise mais un mode de vie ! La réforme, dans la langue journalistique, c’est le changement positif, c’est la résolution rapide et indolore de ces contradictions évidentes que chacun constate au quotidien, c’est le remède, la panacée, la pommade bienfaisante qui guérit, et sans effets secondaires, s’il vous plaît. Curieux, mais indéniable : depuis le temps qu’on nous sert ces amères potions, depuis les années que toute réforme annoncée se termine systématiquement en catastrophe avec pleurs et grincements de dents, le terme de « réforme » n’a pas encore pris la moindre connotation négative. Qui a dit que nos journalistes n’ont pas de talent ? Les politiciens continuent à se poser en réformateurs, à nous promettre des réformes de ci et de ça, et le bon peuple, toujours aussi peu rancunier, continue d’approuver.

révolution de l'assistanatRéformer, en réalité, signifie « action de retirer du service (ferroviaire, militaire, industriel) » Certes, Larousse comme Robert mentionnent aussi le sens newspeak en usage de nos jours « changer en mieux (une institution) » mais le sens réel reste celui que l’on constate d’ailleurs le plus souvent : mettre au rencart. Eliminer, détruire, démolir, jeter aux poubelles (dans le but louable de reconstruire, plus tard, dès qu’on en aura les moyens, quelque chose de bien mieux, enfin si tout va bien). C’est ainsi qu’on a vu la réforme de la sncf (dernière étape avant sa privatisation), la réforme de l’hôpital (avant sa transformation en centre de profit), la réforme des régions (avant leur dilution pure et simple dans le magma européen), la réforme du code du travail (avant élimination des derniers droits acquis), etc.

Quid donc de la réforme de la Sécu, la plus urgente selon Gros Mytho ? Réformer la Sécu, c’est l’éliminer. C’est passer de cette solidarité archaïque avec les malades pauvres, si démodée, tellement vingtième siècle, à un bien plus moderne chacun pour soi thérapeutique… On ne peut plus se le permettre ! C’est bien trop cher !Fillon champion des assistés

On peut se demander (sauf lorsqu’on est journaliste salarié par l’un des dix milliardaires qui possèdent la presse française) comment, pourquoi, par quel miracle, le pays ne peut plus se permettre après soixante-dix ans de paix et de prospérité ce qu’il pouvait se permettre au sortir de deux guerres mondiales ? Avouez que c’est quand même drôle non ? En 1944, le conseil de résistance se réunit et décide de lancer la Sécu[2].

 Barbier rase gratisLe PIB est à l’époque inférieur à 400 milliards d’euros (estimation : en fait on se met à le calculer annuellement à partir de 1949), contre 2000 aujourd’hui (en gros). Certes, la population a augmenté un peu, mais bon : ceux qui parlent tout le temps de faire grossir le gâteau au lieu de le partager ont là un bel exemple d’hypertrophie pâtissière. A-t-il suffisamment gonflé ?

Non ! Et presque tout le monde est d’accord : on ne peut plus se permettre le luxe de soigner tout le monde ! On ne peut plus offrir l’éducation gratuite ! Pas possible d’entretenir la sncf avec son déficit chronique ! etc etc vous connaissez tous la chanson par cœur.

Alors nous nous serrons la ceinture en nous rappelant de l’époque où on se permettait des fantaisies. Le PIB a été multiplié par cinq, et pourtant nous nous sommes appauvris. Quelle est donc la clé du mystère ?

Elémentaire, mon cher Watson : la richesse comme la pauvreté sont des grandeurs relatives. L’une n’existe pas sans l’autre et elles ne se mesurent que l’une à l’autre. Aucun Roy de France n’a pu rêver posséder les richesses qui sont aujourd’hui celles d’un smicard. Et pourtant il était à son époque l’un des personnages les plus riches du monde. La pauvreté des « pauvres » d’aujourd’hui n’existe pas comparée à celle des pauvres de Germinal. Pourtant Thomas Piketty nous enseigne que le niveau d’inégalités (de revenu comme de patrimoine) atteint des sommets rarement vus dans l’histoire. Des niveaux d’inégalités qui finissent systématiquement en catastrophe, révolte, jacquerie ou guerre. D’où la fronde finalement pas si incompréhensible des gilets jaunes, qui se sentent pauvres malgré leur smartphone et leur voiture.

assistée et sourianteL’inégalité forte : c’est cela, en fait, et rien d’autre, la pauvreté. C’est là que l’on comprend que peu importe le niveau du PIB : mal réparti, il fait le pays pauvre et la plèbe furieuse. Or le niveau de revenu moyen dont on nous dit qu’il a augmenté, en réalité il a stagné pour les plus modestes tandis qu’il s’envolait pour les plus riches.  

Maintenant que les riches possèdent tout, le seul moyen pour eux de s’enrichir encore (ou le plus simple) est d’appauvrir le pays et le peuple. D’où leur humanisme larmoyant envers les migrants, d’où aussi leur haine pour la Sécu.

Des pauvres en bonne santé : une insulte à nos milliardaires, surtout les plus vieux ! Si un milliardaire en France n’est que marginalement mieux soigné qu’un éboueur à la retraite, où est la justice ? se demandent-ils. Ils rêvent d’un système à l’américaine, où l’on est traité en fonction de son portefeuille, où l’on peut se faire soigner entre gens de bonne compagnie et laisser à la porte les sdf et autres porteurs de microbes…


[1] Renseignement pris, c’est effectivement la deuxième de l’OCDE derrière la Finlande, un pays qui fait l’envie du monde entier pour son niveau de service public. On peut effectivement se demander, au vu de la peau de chagrin du service public chez nous, où va l’argent…

[2] Adopté le 15 mars 1944 après plusieurs mois de négociations, le programme du Conseil national de la Résistance est très empreint de rénovation sociale et suit des principes communistes (économie planifiée), notamment sous l’impulsion de Pierre Villon (rien à voir avec François Fillon), représentant le Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France. Ce document comprend deux parties, un « plan d’action immédiate » qui concerne l’action de la Résistance intérieure française à mener dans l’immédiat dans la perspective de la Libération et les « mesures à appliquer dès la Libération du territoire », sorte de programme de gouvernement qui comprend à la fois des mesures visant à réduire la mainmise des collaborationnistes sur le pays et des mesures à beaucoup plus long terme comme le rétablissement du suffrage universel, les nationalisations ou la sécurité sociale7. (Wikiped. Amusant : les 30 glorieuses sont donc le produit d’une politique largement communiste [plan quinquennal, Sécu etc] bon évidemment l’époque s’y prêtait, avec les voitures et les machines à laver, l’exode rural etc. Mais tout de même de quoi boucher un coin à tous les adeptes de « c’est la réalité qui est de droite, point ».


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